Samedi 12 septembre, les militants de Lutte Ouvrière sont venus sur le marché du centre-ville à la rencontre des travailleurs et de tous ceux que la situation actuelle inquiète et révolte ; ils ont notamment distribué le texte ci-dessous "Migrants : nos frères en humanité, nos frères de classe".
Migrants : nos frères en humanité, nos frères de classe
L’élan de
solidarité qui se manifeste en faveur des réfugiés fait chaud au cœur.
En Allemagne où Merkel a ouvert les portes et où les réfugiés ont afflué
tout le week-end, des habitants se sont massés dans les gares pour les
accueillir avec chaleur. Ces démonstrations de sympathie feront-elles
reculer le climat d’hostilité vis-à-vis des migrants ? Il faut le
souhaiter.
En revanche, il ne faut pas être dupe des dirigeants européens.
Derrière leurs discours humanistes et l’inflexion de leur politique en
faveur des Syriens, il y a toutes sortes de calculs sordides.
En ouvrant les portes de son pays, Merkel passe presque pour une
sainte. Mais elle ne l’a fait que parce que l’afflux d’une nouvelle main
d’œuvre arrangera bien le patronat allemand ! Quant à Hollande, il se
sert de cette vague de sympathie non pas pour ouvrir les frontières mais
pour justifier les frappes aériennes contre Daesh en Syrie,
c’est-à-dire pour renforcer sa politique guerrière !
« C’est l’honneur de la France que d’avoir toujours accueilli les
persécutés », a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse, avant
d’annoncer l’accueil de 24 000 Syriens sur les deux prochaines années.
Comparé aux 20 000 arrivés sur ce seul week-end en Allemagne, Hollande
met « l’honneur de la France » bien bas ! Bien plus bas que ses
prédécesseurs qui avaient accueilli 450 000 réfugiés espagnols en 1939
et 130 000 boat people vietnamiens et cambodgiens à partir de 1979.
Le drame migratoire n’est pas le fruit d’une catastrophe naturelle.
Il est le fruit de la politique impérialiste des grandes puissances qui
consiste à piller les pays les plus pauvres de la planète en exploitant
leurs richesses naturelles ou en les étranglant par l’endettement au
profit de la grande bourgeoisie. Il est le fruit de leurs manœuvres, de
leurs rivalités politiques, de leurs guerres.
Les dirigeants européens ont contribué à transformer une partie de la
planète en enfer pour les populations et ils font tout pour qu’elles ne
puissent pas en partir. En transformant l’Europe en forteresse, ils
portent la responsabilité des milliers de morts, noyés en Méditerranée,
asphyxiés dans les camions ou électrocutés aux abords du tunnel de la
Manche.
Et cette politique macabre va continuer. Car si les Syriens auront
officiellement droit à l’accueil, les migrants dits « économiques »
auront droit aux barbelés, aux matraques, aux expulsions. Comme si être
tué par la misère était plus acceptable qu’être tué par les bombes !
Comme si les millions d’enfants, de femmes et d’hommes condamnés à la
misère ne faisaient pas aussi partie des persécutés !
Dans toute cette affaire, où sont les intérêts des travailleurs ?
Sûrement pas de rejeter les migrants. Et ce n’est pas qu’une question
d’humanisme. Il en va de l’intérêt général de la classe ouvrière. Il en
va de son unité. Car les migrants font ou feront partie de la classe
ouvrière. Même si une fraction des réfugiés avait des vies de médecin,
d’avocat ou de commerçant dans leur pays, c’est dans leur immense
majorité une vie de prolétaire qui les attend, une vie d’exploitation,
notre vie. Et les travailleurs ont intérêt à s’en faire des alliés.
Les migrants demandent la liberté de circuler et de s’installer en
Europe. La classe ouvrière de France se doit de porter cette
revendication qui vaut pour tous les travailleurs.
Beaucoup se demandent s’il est possible d’accueillir dignement les
migrants dans le contexte de crise que l’on connaît. Mais le chômage, la
précarité, les bas salaires ne dépendent pas de la venue des immigrés.
Ils dépendent du rapport de force avec la bourgeoisie car la misère
n’existe en France et en Europe que dans la mesure où on laisse l’argent
s’accumuler dans les mains d’une minorité.
Il y a six millions de personnes qui cherchent aujourd’hui du
travail, cela n’a rien à voir avec l’arrivée des migrants. Et tous ceux
qui passent leur temps à montrer du doigt les immigrés feraient mieux de
s’en prendre aux licencieurs.
Combien de travailleurs pourraient vivre avec les 14 millions du
parachute doré du PDG d’Alcatel ? En réservant ne serait-ce que la
moitié des profits des grands groupes capitalistes à la création
d’emplois, ce sont des centaines de milliers de chômeurs qui auraient un
travail. Avec les dizaines de milliards prévus pour les Jeux
Olympiques, on pourrait construire des dizaines de milliers de
logements.
Mais pour cela, il faudrait que les travailleurs rejettent cette
fausse évidence selon laquelle « on ne peut pas accueillir toute la
misère du monde » pour proclamer qu’« on ne veut plus se saigner pour la
bourgeoisie ».
Editorial LO du 7 septembre