samedi 30 juillet 2022

Petits gestes et grands profits des capitalistes

Dans les supermarchés ou à la pompe, la hausse des prix pèse de plus en plus sur les budgets des familles populaires. On restreint les déplacements, on renonce aux vacances ou on choisit une destination moins éloignée, quand on ne réduit pas les achats du quotidien.

Jouant les grands seigneurs, TotalEnergies annonce une remise à la pompe de 20 centimes par litre. Celle-ci ne démarrera qu’en septembre – il ne manquerait plus que les automobilistes en profitent pendant les vacances ! - et ne durera que deux mois, avant de tomber à 10 centimes pour novembre et décembre.

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, applaudit des deux mains. Il y voit la démonstration que les entreprises « font un geste » pour le pouvoir d’achat et assure que le gouvernement pourrait ajouter sa pierre, faisant passer la ristourne gouvernementale de 18 à 30 centimes en septembre et octobre.

Alors, on paiera peut-être le litre de carburant 1,50 euro dans un nombre limité de stations-services pendant quelques semaines, au moment où il faudra faire face aux achats de la rentrée pour les enfants. Et il faudrait remercier ces dames patronnesses et se contenter de l’aumône qu’elles daignent accorder ? Mais Total ne fait que restituer en tout petit ce qu’il vole en très grand !

La multinationale, l’une des cinq qui font la pluie et le beau temps sur le marché pétrolier et énergétique mondial, affiche 5 milliards de profits pour le seul premier trimestre, sans compter les 4 milliards mis de côté pour les investissements prévus. En 2021, elle a encaissé 16 milliards. Ses actionnaires gavés ont d’ailleurs eux aussi « fait un geste » autrement plus conséquent, en augmentant les revenus du PDG, Pouyanné, qui ont progressé de 52 % en 2021, culminant à 5,9 millions !

Du côté du transport maritime de marchandises, le groupe français CMA-CGM, troisième armateur mondial, a lui aussi annoncé une baisse des tarifs pour ses clients en France, qui n’écornera pas ses profits colossaux.

Des députés de la Nupes, mais aussi du RN et même quelques-uns de la majorité revendiquent une taxe sur les « super profits », mais à titre exceptionnel ! Ce n’est pas cela qui remettra en cause l’accumulation permanente de profits du grand patronat.

Les députés font le spectacle à l’Assemblée, les noms d’oiseaux fusent et certains mettent en avant des propositions plus radicales que celles du gouvernement. Mais personne ne parle de contrôler ces grands groupes, personne ne remet en cause leur domination sur l’économie et sur toute la société.

C’est pourtant le cœur du problème. Les grands groupes capitalistes ne sont pas seulement des profiteurs de crise, accumulant des profits insolents grâce aux convulsions de l’économie. Ils en sont aussi à l’origine.

L’évolution des cours des céréales l’illustre. Après avoir grimpé en flèche, les cours du blé se sont effondrés vendredi à la Bourse de Chicago, suite à l’accord entre la Russie et l’Ukraine sur la circulation des bateaux ukrainiens. Les hausses ou les baisses des cours ne correspondent pas à ce qui est actuellement en stock mais aux paris des spéculateurs sur ce que sera le marché demain et sur les profits qu’ils pourront en tirer. Des millions de familles en paient pourtant les conséquences dès aujourd’hui, menacées de famine dans les pays les plus pauvres.

Chaque évènement, de la crise sanitaire à la guerre en Ukraine, en passant par la sécheresse, est une occasion de profits supplémentaires pour les capitalistes, quitte à alimenter le chaos et à rapprocher toute l’économie du blocage complet et de l’effondrement.

Les travailleurs ne peuvent pas compter sur le gouvernement ou les ristournes des trusts pour sauver leur peau. Ils ne peuvent pas plus espérer une solution des gesticulations de l’opposition.

Ne serait-ce que pour freiner la dégradation des conditions de vie, il faudra se battre pour nos besoins vitaux, à commencer par l’augmentation des salaires et leur indexation sur le coût de la vie.

Mais dans cette période où les crises s’accumulent, la question qui se pose aux travailleurs est d’ôter le pouvoir aux capitalistes. Ils dominent une économie depuis longtemps socialisée, organisée à l’échelle du monde, mais toutes leurs décisions sont dictées par la recherche de leur profit privé. Les travailleurs, s’ils réalisent leur force collective, sont les seuls à pouvoir sortir la société de cette impasse, qui conduit à la barbarie.

Nous faisons fonctionner toute la société, à nous de la diriger pour la mettre au service de l’humanité.

 Nathalie Arthaud

le 25 juillet 2022

 

mardi 19 juillet 2022

Macron : dévoué aux capitalistes, en guerre contre les travailleurs


Lors de son interview du 14 juillet, Macron a retrouvé sa morgue pour présenter sa feuille de route : un plan d'action pour les capitalistes ; des sacrifices et de nouvelles attaques contre les travailleurs.

Affirmant que la guerre en Ukraine "va durer", que l'armée française doit participer au déploiement de troupes face à la Russie tout en poursuivant ses interventions en Afrique ou au Moyen-Orient, Macron a promis d'augmenter le budget militaire de 3 milliards par an d'ici 2025. Il va aider les industriels de l'armement à fabriquer plus vite les chars, les canons ou les drones qui font fureur en Ukraine. Cet argent manquera aux hôpitaux, à la rénovation des lignes de trains ou aux pompiers qui luttent contre les incendies géants.

Agitant la menace que Poutine ne ferme le gazoduc Nordstream 1, avec le risque d'une pénurie de gaz et d'électricité cet hiver, Macron a annoncé un plan de sobriété qui devra concerner « les particuliers comme les entreprises ». Mais il est évident que la sobriété ne sera pas la même pour tout le monde.

Les entreprises, surtout les grosses, seront grassement indemnisées si elles acceptent de mettre à l'arrêt leurs installations les plus énergivores lors des pics de consommation. Elles bénéficieront de nouvelles aides si elles généralisent le télétravail ou réduisent le chauffage ou la climatisation. Les salariés, eux, n'auront aucun choix, ni celui de télétravailler ni celui de crever de chaud ou de froid sur leur poste de travail.

Quant aux particuliers, c'est le porte-monnaie qui décidera qui est sobre ou pas. Pour les classes populaires, la sobriété est déjà imposée à coups de trique, à travers les prix du gaz, de l'électricité et de l'essence. Des millions de ménages sont contraints de baisser le chauffage en hiver, de réduire leurs déplacements ou de se rabattre sur des transports publics défaillants. Ce ne sont pas les leçons de morale du gouvernement qui les y obligent, mais la faiblesse de leurs salaires et pensions !

On le voit aujourd'hui avec la canicule, comme hier avec les confinements : si la température est la même pour tout le monde, ses effets dépendent de la classe sociale à laquelle on appartient. Il y a ceux dont le logement est climatisé ou qui peuvent aller se mettre au frais dans leur maison secondaire et ceux qui suffoquent dans un appartement exigu.

Comme la "chasse au Gaspi" des années 1970, la « sobriété » des années 2020 est un rideau de fumée pour justifier la hausse des prix et camoufler l'enrichissement éhonté des grands groupes de l'énergie. L'envolée du prix du gaz et du pétrole a des causes bien plus profondes que la guerre en Ukraine. Après avoir occulté pendant des décennies la réalité du réchauffement climatique, les multinationales veulent faire payer à toute la société les investissements imposés par la transition énergétique qu'elles n'ont pas faits plus tôt.

Non seulement Macron et ses homologues européens refusent de taxer ces richissimes profiteurs de crise, mais ils mettent les moyens de leurs États à la disposition de leurs producteurs nationaux respectifs. Les capitalistes commandent, les chefs de gouvernement et les ministres s'exécutent.

Engagés dans une guerre économique de plus en plus dure, les capitalistes exigent que l'argent de l’État leur soit réservé et que les travailleurs leur soient soumis. C'est pourquoi Macron veut repousser l'âge de départ à la retraite. C'est pourquoi il prépare une nouvelle loi travail pour obliger les chômeurs à accepter n'importe quel poste, sous peine de perdre tout ou partie de leurs indemnités.

Les patrons, en particulier dans la restauration, se plaignent de ne pas trouver de personnel assez corvéable à leur goût malgré le chômage persistant ? Pas question pour Macron d'imposer une augmentation massive des salaires ! Il reprend les pires calomnies contre « ceux qui abusent de la solidarité nationale »" en n'acceptant pas n'importe quel emploi à n'importe quel salaire. Comme si les indemnités chômage n'étaient pas financées par les travailleurs eux-mêmes ! Dans la même veine, il veut conditionner le versement du RSA à la reprise d'une activité. Aucun travailleur ne doit tomber dans le piège : attaquer les chômeurs, c'est tirer tous les salaires vers le bas et obliger tout le monde à accepter les postes les plus durs et mal payés.

Avec ou sans majorité absolue, Macron s'apprête à poursuivre la politique exigée par la classe capitaliste. Pour défendre leurs intérêts, les travailleurs n'ont d'autres choix que de se mobiliser collectivement.

Nathalie ARTHAUD
 
Le 18 juillet 2022

lundi 11 juillet 2022

Salaires : se préparer à engager le combat contre le patronat


Avec leur projet de loi sur le pouvoir d'achat, Macron et Borne prétendent ″répondre à l'urgence″.

Oui, il y a urgence pour les millions de travailleurs qui n'arrivent plus à vivre de leur salaire. S'en sortir est encore plus difficile quand on est plongé dans la précarité. Mais parler de ″pouvoir d'achat″ est une escroquerie. Le pouvoir d'achat des travailleurs provient exclusivement du salaire qu'ils gagnent en produisant tout ce qui est utile à la société, en plus des milliards de profits engrangés par les capitalistes. Or, les mesures du gouvernement sont calibrées pour ne rien coûter au grand patronat et surtout ne pas l'obliger à augmenter les salaires.

Pour ceux qui dépensent une partie de leur paie en carburant pour aller travailler, une nouvelle indemnité remplacera la remise de 18 centimes par litre. Par ailleurs, huit ou neuf millions ″de foyers les plus modestes″ toucheront quelques centaines d'euros sous forme de chèque alimentaire. Des bons d'achat pour compenser des salaires de misère !

Oh, les employeurs sont sollicités pour verser une « prime Macron » ! Pour les encourager, le plafond de la défiscalisation a été relevé de 1 000 à 3 000 euros, et même 6 000 si un accord d'intéressement est signé. Mais rien ne les oblige à verser cette prime. C'est ″à votre bon cœur, messieurs les patrons″ !

Alors que l'inflation annuelle va dépasser les 6 %, les fonctionnaires, dont les salaires sont bloqués depuis six ans, devraient se contenter d'une augmentation de 3,5 % au 1er juillet. Quant aux retraités, ils devraient dire merci pour une revalorisation de 4 % de leurs pensions.

Macron et Borne, comme tous les politiciens au pouvoir, ont pour fonction de défendre les intérêts de la bourgeoisie tout en évitant une explosion de colère parmi les classes populaires.

D'un côté, ils continuent à baisser les impôts payés par les capitalistes, malgré leurs profits faramineux. Ceux-là même qui se gavent en faisant monter les prix de l'énergie exigent que l’État finance la transition énergétique en construisant de nouvelles centrales électriques, subventionnant les industriels pour verdir leurs productions ou les constructeurs automobiles pour remplacer les moteurs thermiques par des moteurs électriques. C'est d'ailleurs pour continuer à fournir aux capitalistes de l'électricité à bas prix que Borne a annoncé la renationalisation d'EDF.

De l'autre côté, ils redoutent que l'inflation ne provoque une révolte du type des gilets jaunes ou, plus inquiétant pour eux, une vague de grèves dans les entreprises. La crainte d'une mobilisation face à l'inflation est la raison d'être des gesticulations du gouvernement sur le pouvoir d'achat.

Dans différents endroits du pays, des travailleurs expriment leur colère devant leurs salaires trop faibles. Certains débrayent quelques heures, d'autres ont fait plusieurs jours de grève. Certains réclament 100, 200 ou 300 euros d'augmentation. D'autres refusent les propositions méprisantes de leur patron et débrayent d'abord pour se faire respecter. Si la grève des travailleurs des aéroports parisiens ou celle des cheminots le 6 juillet ont été relayées par les médias, la plupart ne sont pas médiatisées. Mais parfois, une petite victoire dans une entreprise donne l'énergie aux travailleurs de l'usine voisine pour se mobiliser à leur tour. Toutes ces grèves sont des réactions élémentaires de défense.

Mais pour arracher au patronat les augmentations de salaires indispensables puis leur indexation sur la hausse des prix, seule façon de ne pas tout reperdre en quelques mois, des grèves isolées ne suffiront pas. Il faudra qu'elles se généralisent et deviennent explosives. Cela ne se décrète pas, mais les travailleurs conscients doivent s'y préparer, défendre cette perspective autour d'eux.

Les responsables politiques de la bourgeoisie, eux, se préparent. Ils savent que l'inflation n'est pas provisoire et qu'elle ne résulte pas de la guerre en Ukraine, mais de la guerre économique que se livrent les grands groupes capitalistes mondiaux pour accaparer le maximum de profits. Ils savent que leur système est de plus en plus instable, que l'inflation et la misère provoqueront des révoltes, comme au Sri Lanka où des centaines de milliers de manifestants ont provoqué le départ du président.

Pour faire payer la crise aux classes populaires, la bourgeoisie a une politique et de multiples politiciens pour la mener sous des habillages différents. Pour se défendre, le camp des travailleurs doit avoir la sienne : contraindre le grand patronat à prendre sur ses profits faramineux pour augmenter les salaires et les indexer sur les prix.

 Le 11 juillet 2022

 

lundi 4 juillet 2022

LE CAMP DES TRAVAILLEURS DOIT AVOIR SA PROPRE POLITIQUE


Mercredi, Élisabeth Borne devra faire sa déclaration de politique générale. Depuis la raclée électorale des législatives qui a fait perdre aux macronistes leur majorité absolue à l’Assemblée, elle est contrainte de trouver à droite ou à gauche quelques députés pour la soutenir. À peine né, ce gouvernement est déjà en difficulté.

Mais la contestation qu’il aura à subir à l’Assemblée n’est qu’un pâle reflet des tempêtes économiques et sociales qui l’attendent. La crise était déjà là depuis des années. La pandémie de coronavirus et la guerre en Ukraine ont montré à quel point l’ordre économique mondial est instable.

À la sortie des confinements, quand les échanges économiques mondiaux ont redémarré, on a vu que l’économie capitaliste mondiale était incapable de répondre aux demandes de la reprise. De nombreuses pénuries sont apparues, bloquant les lignes de production dans le monde entier, comme dans l’automobile avec le manque de semi-conducteurs. Un an plus tard, rien ne semble vraiment résolu.

Les prix de l’énergie ont explosé et se sont répercutés à tous les secteurs, entrainant le retour d’une inflation mondiale pas vue depuis près de quarante ans. La finance est en plein affolement, car les banques centrales mondiales devant prendre en compte cette inflation font remonter le taux d’intérêt de leurs prêts et ne peuvent plus fournir l’argent gratuit qui alimentait la spéculation. Les Bourses s’agitent avec fébrilité, menaçant de s’effondrer à tout moment.

Et il y a la guerre en Ukraine où Russie et États-Unis s’affrontent avec la peau de la population ukrainienne, qui la paye par ses morts et par les destructions. Les conséquences de cette guerre exacerbent aussi les rivalités entre les pays occidentaux eux-mêmes. L’Allemagne, puissance industrielle dominante d’Europe, est coincée par les conséquences des sanctions économiques que les États-Unis ont imposées à la Russie. Le gaz russe n’arrive plus en quantité suffisante et les grands fournisseurs allemands de ce gaz sont au bord de la faillite, menaçant d’entraîner dans leur chute des pans entiers de l’industrie chimique de ce pays. Rebattant les cartes des rapports de force entre grandes puissances, la guerre a donné le signal du réarmement dans tous les pays.

Alors, il n’y a pas de questions à se poser sur la politique que mènera Elisabeth Borne. C’est à la population et aux travailleurs qu’elle fera payer les dépenses d’armement et le remboursement de la dette de l’État qui augmente avec l’inflation. Et cela s’ajoutera à tous les coups que le grand patronat portera directement à l’emploi et aux salaires. On en a déjà un exemple avec les prix de l’énergie.

Dans une tribune publiée il y a une semaine, les PDG de TotalEnergies, Engie et EDF ont appelé les classes populaires à faire des économies, expliquant que leurs prix ne baisseraient pas. Ces trusts sont les vrais responsables des hausses. Placés devant l’alternative entre la voiture électrique et celle à moteur thermique, leur position de monopole leur a permis de trouver la solution qui préserve leurs profits. En faisant monter les prix du gaz et du pétrole par une réduction artificielle de la production, ils font payer aux consommateurs leurs investissements futurs quels qu’ils soient. Ils vendent moins mais plus cher, et ça rapporte énormément. En seulement trois mois, TotalEnergies a fait plus de 9 milliards de dollars de bénéfice. Toute la société paye pour enrichir les actionnaires des majors pétrolières et le gouvernement ne peut que s’y plier.

Face à cela, le camp des travailleurs, pour l’instant, n’a pas de politique, ni de parti pour le représenter. Sans parler du RN, ennemi de toujours du mouvement ouvrier, les partis de la NUPES sont, comme les autres, respectueux de l’ordre capitaliste. Il n’y a qu’à voir comment le dirigeant du PCF, Fabien Roussel, a vanté les vertus d’un gouvernement d’union nationale. Cela fait longtemps que l’objectif du PCF n’est plus de renverser le capitalisme mais de trouver le moyen de participer à un gouvernement… qui mènera une politique anti-ouvrière.

Pour nous, travailleurs, rien ne peut venir de ces partis, pas même une compréhension de la situation. Nous devons réaliser que collectivement nous représentons une force considérable, par notre nombre, notre concentration dans les entreprises et notre place dans la production. Si nous en prenons conscience, alors tous les espoirs sont permis.

Nathalie Arthaud

Le 4 juillet 2022