mardi 25 septembre 2018

Interview de Nathalie Arthaud à Lyon

Une interview de Nathalie Arthaud dans le Lyon Bondy Blog à l'occasion de sa présence à la fête locale

Nathalie Arthaud : «Les travailleurs sont dans un grand désarroi»

Hugo Dervissoglou - 24 septembre 2018
L’ancienne candidate à la présidentielle Nathalie Arthaud était à Saint-Priest ce week-end pour la fête de Lutte Ouvrière. Le Lyon Bondy Blog a pu s’entretenir avec la dirigeante trotskiste.




 « A l’approche des Européennes et des municipales, quelles sont les forces en présence chez Lutte Ouvrière ?
Je tiens à dire que la politique et l’essentiel de ce qui serait nécessaire de faire ne se passe pas au niveau des élections. Nous pensons que cette société capitaliste nous mène de catastrophe en catastrophe. Le monde ouvrier qui en est la base, qui subit l’exploitation au quotidien, peut et doit se lever pour combattre cette situation . Nous croyons en leur capacité à dire "ça suffit" et c’est indépendant des élections européennes ou municipales.

Pourquoi la gauche de la gauche ne parvient pas à peser plus ?

La question qui se pose c’est comment faire pour que les travailleurs qui subissent le chômage de masse, des conditions de travail de plus en plus insupportables puissent exprimer leur colère. Et surtout comment la transformer en révolte consciente. Des travailleurs qui ont été très attachés aux partis de gauche comme le parti communiste ou le parti socialiste se sont sentis déçus, voire trahis. A chaque fois qu’ils ont accédé au pouvoir ils ont gouverné au profit des plus riches. Politiquement les travailleurs sont dans un grand désarroi. Nous, nous pensons que les travailleurs constituent la seule force sociale capable de fournir une issue à la société. Ils sont confrontés au combat contre la bourgeoisie dominante et sont en mesure de la combattre. Notre combat militant, c’est de faire en sorte que les travailleurs se battent avec cette conscience qu’ils peuvent renverser ce système.
Dans une interview à Libération en mai vous estimiez que "le gouvernement Hollande a complètement décrédibilisé l’idée qu’il puisse y avoir une gauche qui gouverne différemment de la droite ", l’idée d’une gauche de gouvernement n’est plus possible selon-vous ?

Pas seulement Hollande, ça a commencé avec Mitterrand. Mitterrand a peut-être encore plus de responsabilités tout comme Marchais qui a cautionné cette escroquerie. Après l’élection de 1981 il y a eu beaucoup d’attentes. Pendant deux ans il y a une politique attentiste puis dès 1983 il expliquait qu’il fallait aller vers des privatisations. Le sentiment de trahison vient de là et a grandi avec Jospin puis Hollande et toute cette gauche qui a prétendu changer le sort des travailleurs en accédant au pouvoir. Les travailleurs comprennent que c’est le patronat qui prospère sur leur dos.

Le Parti Socialiste tente doucement de se remettre sur pied avec Olivier Faure à sa tête, le parti socialiste a-t-il encore un avenir ?
Nous nous moquons totalement de l’avenir de M.Faure et du PS. Ce sont des dirigeants qui ne sont pas dans notre camp. Ils ont fait leur preuve du côté du patronat. Les travailleurs n’ont pas à se sentir liés à l’avenir de cette écurie politicienne comme il y en a tant à gauche. La politique qui prétend changer le capitalisme de l’intérieur est illusoire ; lorsque un travailleur marche dedans, il en ressort encore plus démoralisé. Notre combat c’est d'expliquer aux travailleurs qu’il n’y aura pas d’issue. Répartir le travail entre tous nécessite une lutte sociale d’envergure qui impose la remise en cause de la propriété privée.

Depuis plusieurs années on observe un basculement de l ‘électorat populaire vers l’extrême droite, Comment faire pour les rassembler autour de votre discours ?
Ca fait des décennies que ces partis-là qui se disent favorables aux travailleurs se définissaient par une étiquette de gauche. Une étiquette qui n’avait aucune signification. Socialement, ils s’inscrivaient totalement dans l’ordre bourgeois. Nous pensons que ce qu’il manque aux travailleurs c’est la conscience de leurs intérêts de classe qui sont à l’opposé de ceux de la bourgeoisie et des capitalistes. Ces idées-là qui ont été abandonnées, nous devons les revivifier. Beaucoup de travailleurs sont prêts à l’entendre car ils sont confrontés au pouvoir patronal. S’ils prennent conscience que les responsables c’est la bourgeoisie et le patronnat ils arrêteront de se chercher des boucs-émissaires comme les migrants, l’Union Européenne ou je ne sais quoi. Le sentiment de trahison nourrit des démagogues comme Le Pen qui prône la guerre entre les pauvres.

Le communisme en France a-t-il encore un avenir ?
Je vous renvoie la question dans l’autre sens. Le capitalisme a t-il un avenir en France et dans le monde ? Il nous mène de catastrophe économique en catastrophe économique ; on massacre la planète. Il est incapable de répondre à la question de la faim dans le monde. Il ne fonctionne pas autrement qu’en développant une minorité qui parasite le travail de la grande majorité. Même dans les pays riches comme en France : 9 millions de pauvres, 6 millions de chômeurs, des gens qui s’épuisent au travail et en perdent leur santé. A l’échelle du monde la catastrophe est à un autre niveau. Le capitalisme c’est aussi tout ces foyers de guerre qui menacent à tout instant de se généraliser car les grandes puissances attisent le feu derrière. C’est le capitalisme qui n’a plus d’avenir. Il a fait progresser la société mais aujourd’hui il la fait reculer. Ce sont les idées d’extrême-droite, la fermeture des frontières… Tout ce qui va dans le sens contraire de l’avenir de l’humanité. C’est une impasse.

Ce qui se passe au Vénézuela aujourd’hui ou ce qui s’est passé après la chute de l’URSS n’est pas un signe inquiétant ?

Le Vénézuela a été victime des lois du capitalisme. Il est victime de sa dépendance au pétrole, des prix du marché. Il est victime d’être un pays pauvre dans le cadre de grandes puissances impérialistes. L’échec de l’Union Soviétique c’est d’abord celui de la politique stalinienne. Ce n’est pas celui des travailleurs. Les travailleurs en 1917 avaient trouvé le moyen de se sortir de la boucherie qu’était la première guerre mondiale. Boucherie, dans laquelle le capitalisme les avait plongés. Aujourd’hui le capitalisme domine le monde. Pas un pays n’échappe à sa loi. Si aujourd’hui il y a des catastrophes dans le monde, il faut l’imputer totalement au capitalisme et à la classe sociale dominante : la bourgeoisie. Sûrement pas à ceux qui ont essayé de s’en libérer ou de s’en émanciper.

Une alliance LO – FI – PCF est-elle envisageable ?

Le mouvement ouvrier a toujours été divisé en deux courants. Le premier pense qu’il est possible de changer le sort des travailleurs dans le cadre du capitalisme, à l’intérieur des institutions, du gouvernement et à travers les élections. L’autre pense qu’il n’est possible de trouver une issue aux exploités qu’en renversant la société. Il ne faut pas simplement chercher à gagner des réformes mais à s’émanciper. Nous sommes dans ce courant révolutionnaire. Nous pensons que le courant réformiste dans le mouvement ouvrier a prouvé qu’il était une impasse. Tout les gouvernements, même les plus proches des travailleurs, étaient pieds et poings liés par le pouvoir patronal. Le but c’est de faire du fric, du profit et ce, peu importe le moyen. Nous ne chercherons pas d’alliance, nous ne changerons pas nos convictions. Le sort des travailleurs est lié aux idées du courant communiste révolutionnaire. Nos alliés en Europe ce sont les travailleurs et les forces révolutionnaires. »

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