jeudi 17 octobre 2019

Guerre en Syrie : un chaos dont l’impérialisme est responsable

En annonçant dès le 7 octobre le retrait des forces spéciales américaines présentes dans le nord de la Syrie, Trump a donné le feu vert à Erdogan pour lancer l’armée turque contre les Kurdes syriens. Le cynisme avec lequel les dirigeants américains ont ainsi abandonné ceux sur qui ils s’étaient appuyés pour reconquérir les territoires contrôlés par Daech choque légitimement partout dans le monde.

Mais, si le cynisme des grandes puissances est sans limite, il n’est pas nouveau. Si les peuples du Moyen-Orient, de la Syrie à l’Afghanistan en passant par l’Irak et l’Iran, subissent les guerres et les destructions depuis quarante ans, la responsabilité en incombe directement aux puissances impérialistes. Les États-Unis, gendarme du monde, sont à la manœuvre aujourd’hui, mais ils ont été suivis, ou précédés selon les épisodes, par la France et la Grande-Bretagne, les premières à avoir dépecé cette région stratégique, riche en pétrole, en y traçant des frontières arbitraires, coupant notamment les populations kurdes en quatre morceaux. Cette politique criminelle n’a fait que se poursuivre et s’approfondir.

Dès 1979, la CIA a financé et équipé les milices islamiques qui combattaient la présence soviétique en Afghanistan. Ce soutien a permis à un certain Oussama Ben Laden de faire ses classes et de tisser un réseau solide, avant de se retourner contre ses maîtres en fondant al-Qaïda. Le djihadisme, dont l’éradication sert aujourd’hui à justifier interventions militaires et lois sécuritaires au nom de la « lutte contre le terrorisme », est un produit direct des manœuvres impérialistes.

En 2011, le démocrate Obama a retiré les troupes américaines de l’Irak, que le républicain Bush junior avait envahi en 2003 sous prétexte des attentats du 11-Septembre, dont les Irakiens n’étaient en rien responsables. L’armée et les services spéciaux américains ne laissaient pas alors « un Irak souverain, stable et autonome », comme le prétendait Obama. Ils laissaient un peuple meurtri et un pays détruit par la guerre civile, découpé par leurs soins en zones confessionnelles sur lesquelles prospéraient des milices islamistes de diverses obédiences. Parmi elles, il y avait al-Qaïda en Irak et son leader al-Baghdadi, futur fondateur de Daech.

Quand, en 2011, le Printemps arabe toucha la Syrie, l’intervention des grandes puissances ne visa pas, quoi qu’elles en disent, à appuyer les aspirations sociales et démocratiques de la population face à la dictature de Bachar al-Assad. Après une période d’observation prudente, elles voulurent profiter de la situation pour tenter de remplacer le régime d’Assad par un autre, plus docile à leurs intérêts. Elles agirent pour remplacer la contestation sociale par une guerre civile et confessionnelle. Elles le firent directement et par l’intermédiaire d’alliés régionaux en rivalité entre eux, l’Arabie saoudite et la Turquie, mais aussi le Qatar, l’Égypte et l’Iran, pourtant ostracisé par les États-Unis. Ces interventions des puissances régionales, tour à tour encouragées et modérées par les États-Unis, transformèrent la Syrie en champ de bataille entre milices concurrentes. Cela juge sans appel les discours des dirigeants occidentaux sur la démocratie, les droits des peuples, des femmes ou des minorités opprimées.

Quand l’une de ces milices, Daech, née en Irak, réussit à s’imposer sur un vaste territoire en proclamant l’État islamique au Levant et en Irak, les grandes puissances durent changer leur fusil d’épaule. D’un côté, elles remirent le dictateur Assad dans le jeu. De l’autre, elles formèrent une coalition pour combattre Daech. Les États-Unis et leurs alliés s’appuyèrent sur les milices kurdes syriennes, encadrées par leurs conseillers militaires et appuyées par leurs avions. Au prix de lourdes pertes, les milices kurdes du YPG et les Forces démocratiques syriennes (FDS) reconquirent, ville par ville, le territoire occupé par Daech.

Comme ceux du Kurdistan irakien, les nationalistes kurdes de Syrie espéraient profiter de cette alliance pour conserver durablement le petit espace d’autonomie conquis au nord du pays à la faveur de la guerre civile. L’espoir aura été de courte durée. Si l’on ignore quels marchandages ont eu lieu entre Trump et Erdogan, quels sont les calculs américains, ces derniers ont sacrifié les Kurdes pour satisfaire leur allié turc, hostile à un Kurdistan autonome à ses frontières et prêt à une aventure militaire pour redorer son blason. En même temps, les États-Unis redeviennent, à travers la Turquie, un acteur de la guerre civile syrienne, quitte même à la relancer.

Cette trahison montre encore une fois que l’ordre mondial imposé par les grandes puissances ne laisse aucune place à l’autodétermination des peuples. Qu’il s’agisse des Kurdes, des Palestiniens ou d’autres, elles n’agissent qu’en fonction de leurs propres intérêts et de ceux de leurs sociétés, pétrolières ou autres.

La domination de l’impérialisme ne mène qu’au chaos et à la guerre permanente, comme le montrent les exemples de la Syrie, de l’Irak et du Moyen-Orient dans son ensemble ; avec le risque de plonger le monde dans une guerre généralisée. 
 
Le 16 octobre 2019

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