lundi 21 septembre 2020

Bridgestone : pactiser avec l'assassin ou l'empêcher de nuire ?


Après Continental à Clairoix, Goodyear et Whirpool à Amiens, la fermeture de l’usine Bridgestone à Béthune est devenue une affaire nationale. Et c’est toujours la même histoire : une multinationale prospère, des aides publiques à gogo, la fermeture d’une usine qui fait vivre toute une région et des dirigeants politiques qui promettent de « se battre » pour l’empêcher !

« C’est une trahison… une décision révoltante », a grondé Le Maire, le ministre de l’Économie. Dans le genre « Retenez-moi ou je fais un malheur ! », Xavier Bertrand, président de la région des Hauts de France, a parlé « d’assassinat prémédité ». Quel cinéma écœurant !

Des dizaines d’entreprises licencient et ferment en ce moment même. C’est Auchan, Airbus, Renault, ADP, Smart, Courtepaille, La Halle, Alinea, Boiron, Tui, Sanofi… Sans compter les centaines de PME sous-traitantes qui sont prises à la gorge par leurs donneurs d’ordre. Et, non seulement le gouvernement laisse faire, mais il donne sa bénédiction aux licencieurs, et pour les travailleurs, c’est Pôle emploi !

Tous les dirigeants politiques s’excitent sur Bridgestone pour avoir l’air d’agir et faire croire qu’ils ont des solutions. Et ils sont d’autant moins gênés de parler de trahison, de patrons voyous ou d’assassinat que le patron est japonais. Quand il s’agit de Michelin, de Peugeot, de Renault ou d’Auchan, ils n’osent pas !

Mais que proposent-ils ? Eh bien, ils proposent tous la même politique : remettre des millions sur la table et payer Bridgestone pour qu’il reste ! Le même Xavier Bertrand qui a parlé d’assassinat a fait les comptes. Avec 200 millions, il pourrait, estime-t-il, convaincre Bridgestone de rester. Il crie à l’assassinat et il promet des millions à l’assassin !

C’est la même attitude du côté du Rassemblement national, mais aussi du PCF ou de la France insoumise. Après avoir expliqué tout le mal qu’ils pensent de ces multinationales, ils proposent, comme le gouvernement, de leur redonner des millions d’aides publiques. Ils insistent sur les contreparties et les conditions. Mais quand a-t-on vu un patron de multinationale renoncer à ses plans parce qu’il avait signé un bout de papier ?

Même lorsque les pouvoirs publics obtiennent des engagements en termes d’emplois ou d’investissements, les actionnaires empochent les aides et font ce qu’ils veulent. Quand Hollande a mis en place le CICE, il avait, disait-il conclu un pacte avec le patronat, « le pacte de compétitivité » : l’État accordait des millions de baisses d’impôts, le grand patronat devait investir et créer un million d’emplois ou augmenter les salaires. On voit ce qu’il en est dans toutes les entreprises !

Toutes ces histoires de pactes, de contrats, d’accords… sont des escroqueries. Le grand patronat est prêt à pousser dans le chômage et le dénuement des millions de travailleurs et à ruiner des régions entières. Et ça ne l’empêche pas de dormir !

Les « sauvages » - pour reprendre le terme d’ensauvagement cher à Darmanin, le ministre de l’Intérieur, et à l’extrême droite -, ils sont là, au cœur de ces multinationales !

Alors, jouer aux conseillers du patronat sur la façon dont il doit investir son argent, « relocaliser » et « réindustrialiser » le pays, comme le font les politiciens de droite ou de gauche et même certains dirigeants syndicaux, est ridicule. Et c’est surtout une tromperie qui conduit à l’illusion qu’il pourrait y avoir des intérêts et des projets communs entre exploités et exploiteurs.

Tant que le grand capital reste le maître, il fait ce qu’il veut, comme il veut, quand il veut, et les discours sur la « politique industrielle » ne sont que des bavardages de politiciens à genoux devant le grand patronat.

Les dirigeants politiques peuvent se faire élire et prétendre gouverner. Mais ce sont les actionnaires, la grande bourgeoisie, qui imposent leur dictature sur l’économie. Le président de la République et les ministres ne sont que des paillassons sur lesquels les multinationales s’essuient les pieds.

Le grand patronat n’a rien à craindre du gouvernement. La seule chose qu’il peut craindre, c’est la colère des travailleurs eux-mêmes. Ce sont des luttes ouvrières assez déterminées et massives pour qu’il se sente menacé de tout perdre.

C’est avec l’objectif de combattre la dictature de la bourgeoisie que les travailleurs pourront se battre pied à pied pour préserver leurs conditions d’existence. Si le grand patronat est incapable d’assurer un emploi à tous avec des salaires dignes, il doit être exproprié et son système renversé ! 
 
Le 21 septembre 2020

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