Jeudi 27 mai, Macron est allé au Rwanda. Et la presse a annoncé qu’il allait s’excuser du rôle joué par la France dans le génocide qui a fait 800 000 morts en 1994. Il ne l’a pas fait.
Formellement, 27 ans après les massacres, Macron a reconnu « la part de souffrance que la France a infligée au peuple rwandais en faisant prévaloir le silence sur l’examen de la vérité ». Tous ses mots étaient pesés pour avoir l’air de concéder une certaine responsabilité de l’État français sans la reconnaître vraiment.
Macron a daigné revenir sur le passé, mais en imposant aux victimes quasiment la même version des faits que celle de tous les présidents qui l’ont précédé, à commencer par Mitterrand, qui était en exercice au moment du génocide. Et à l’entendre, c’était déjà beaucoup. C’est tout juste si les Rwandais n’auraient pas dû se sentir honorés par ce geste de l’ancienne puissance qui accepte de revenir parce qu’elle n’est plus fâchée.
Après avoir été une colonie belge, le Rwanda est passé sous la coupe de la France. Comme l’ancien colonisateur belge, l’impérialisme français a joué sur les divisions ethniques entre Hutus et Tutsis. Le régime autoritaire du président Habyarimana, en place juste avant le génocide, s’appuyait sur des membres de l’ethnie Hutu et permettait à la France qui le soutenait d’avoir une position forte dans cette région d’Afrique. Face à ce régime, le Front Patriotique Rwandais, qui ralliait les opposants, s’appuyait, lui, majoritairement sur l’ethnie Tutsi, avec le soutien de l’impérialisme anglo-américain.
Quand ces opposants se sont mis à vraiment menacer le régime d’Habyarimana, l’impérialisme français a tout fait pour qu’il reste en place, en l’aidant à armer et entraîner les milices d’extrême droite que celui-ci avait créées. Et ce sont elles qui ont semé la terreur et commis le génocide dont les victimes ne furent pas seulement les Tutsis mais aussi les Hutus opposants au régime.
Aujourd’hui, en affirmant que le temps de la réprobation avait suffisamment duré, Macron a officialisé le retour de l’impérialisme français au Rwanda. Ce n’est pas que le Rwanda représente aux yeux des capitalistes français un intérêt économique important, c’est surtout qu’il fait partie de sa zone d’influence. Et, même après la mort de centaines de milliers de personnes dont il partage la responsabilité avec les milices génocidaires, il considère encore qu’il est là-bas chez lui.
La France a perdu son ancien empire colonial mais elle a maintenu sa domination sur les pays qui en sont issus, sous une autre forme, en veillant à ce que leurs régimes lui soient favorables en les soutenant financièrement et militairement. Elle a pu le faire d’autant plus que les États-Unis, qui sont devenus l’impérialisme dominant et incontesté depuis la Seconde Guerre mondiale, voient un intérêt à ce que ce soit la France qui prenne en charge le maintien de l’ordre dans son ancienne zone coloniale.
Alors, au Mali, au Tchad, en Côte d’Ivoire et dans plusieurs autres de ses anciennes colonies, elle maintient en permanence des troupes. Plus de 5000 soldats français sont présents au Sahel au nom de la lutte contre le terrorisme, en réalité pour soutenir des dictateurs liés à la France.
Et dans tous ces pays, les richesses minières et agricoles sont pillées par des groupes industriels des pays riches, en particulier français. Total a la main sur le pétrole du Gabon et Orano (ex-Areva) sur l’uranium du Niger. De grandes fortunes françaises se sont construites grâce à ces richesses. Boussac, l’ancien industriel du textile, appelé le « roi des cotonnades » et une des plus grosses fortunes d’Europe, avait des plantations dans de nombreux pays d’Afrique. Bolloré, qui possède en France tout un empire dans les transports et les médias, a raflé presque la totalité des ports de toute l’Afrique de l’Ouest et des lignes de chemins de fer. Sans parler de la mainmise des banques françaises sur l’économie.
Il faut être conscients que ce sont les mêmes capitalistes qui nous exploitent et nous licencient, ici, et qui, là-bas, sont les vrais maîtres de ces pays. Ils les maintiennent dans une misère qui ne laisse pas d’autre choix à ceux qui veulent s’en sortir que de fuir en espérant trouver une vie meilleure dans les pays occidentaux. Comme ces milliers de migrants qui ont risqué leur vie en tentant de rejoindre à la nage l’enclave espagnole de Ceuta.
Notre sort à tous, travailleurs du monde entier, est lié. Nous avons les mêmes exploiteurs et le même ordre social à combattre et à renverser.
Le 31 mai 2021
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