Comment expliquer ce changement de ton ? Par une grosse part de calcul politicien. À quelques mois des Européennes, Macron utilise et amplifie le climat belliqueux pour créer un réflexe d’union nationale autour de lui, aux dépens de ses adversaires politiques.
Mais la guerre est bel et bien là. Elle fait rage, non seulement en Ukraine, mais aussi à Gaza, au Yémen, en République démocratique du Congo, au Soudan… Non seulement les grandes puissances occidentales sont impliquées directement ou indirectement dans chacune de ces guerres, mais elles se préparent aussi à l’éventualité d’un affrontement avec la Chine.
C’est pourquoi Macron, les médias aux ordres, les galonnés abonnés aux plateaux télé ou les soi-disant experts en géopolitique nous abreuvent de propagande patriotique. « Il faut être prêt à se battre pour son pays », entend-on de plus en plus. Pour sa « patrie », disent certains. À les entendre, ce serait la forme suprême du courage et de l’héroïsme. Et ce refrain est chanté dans tous les pays et dans toutes les langues.
Bien sûr, nous sommes attachés à notre pays, ne serait-ce que parce que nous y vivons et y avons construit des liens familiaux ou amicaux et des souvenirs. Mais posons-nous la question : ce pays et la classe qui le gouverne, que font-ils pour nous, travailleuses et travailleurs ?
Que nous soyons ouvrier, caissière, employé, aide à domicile, camionneur, nous produisons les richesses du pays dans lequel nous travaillons. Nous contribuons à le construire et à le faire vivre. Mais qui en profite ? Ceux qui trônent au sommet du pays ! En profite la grande bourgeoisie qui vole de records de profits en records de fortunes. En profitent les actionnaires parasites et les financiers. Pour ceux qui mettent les mains dans le cambouis, le pays ne garantit rien : ni salaire ni emploi dignes de ce nom. Il n’offre ni respect, ni reconnaissance.
C’est vrai en France comme dans tous les pays du monde. Combien de travailleurs se retrouvent forcés à l’exil, parce que leur pays ne leur donne pas la possibilité de gagner leur vie dignement ou ne leur assure pas un minimum de sécurité ?
Parler de Français, d’Ukrainiens, de Russes, d’Algériens, de Maliens…, est une façon de faire oublier qu’il y a, dans chaque pays, des riches et des pauvres, des exploiteurs et des exploités. Cela cache que nous sommes en permanence attaqués, dans notre propre pays, par un grand patronat toujours plus rapace.
Ici, au moment où Poutine est accusé de menacer notre sécurité, la grande bourgeoisie intensifie l’exploitation, restructure en licenciant de nombreux travailleurs, lamine les salaires et nous rackette au travers de la flambée des prix. Avec l’aide de Macron, elle puise dans les caisses de l’État et s’approprie des milliards qui devraient être investis dans la santé ou l’éducation.
Retraites, droits des chômeurs, remboursements maladie… les attaques succèdent aux attaques. Nous voyons fermer des maternités et des services d’urgence. Les écoles, les collèges et les lycées manquent de personnel et se dégradent à vue d’œil. Et ce n’est pas fini car, en plus des 10 milliards d’économies sur les dépenses publiques prévues en 2024, le gouvernement en cherche encore 20 pour 2025.
Cela engendrera plus de travailleurs pauvres ; plus de femmes et d’hommes cassés par le travail et abandonnés à la maladie, à la misère et à des pensions dérisoires ; plus de quartiers populaires transformés en ghettos et livrés aux trafics en tout genre. C’est au nom de la défense de ce pays-là qu’il faudrait se battre et être prêt à mourir ?
Oui, quand on est attaqué, il faut se défendre. Mais les attaques que nous subissons ne viennent pas du dictateur du Kremlin. Elles viennent des conseils d’administration des groupes capitalistes et de l’Élysée. C’est la guerre de classe que la bourgeoisie mène en permanence contre les travailleurs et il faut y répondre.
Le nationalisme et les appels au patriotisme sont destinés à nous faire marcher au pas derrière les capitalistes. Rejetons-les ! Menons la lutte de classe et visons le renversement de la classe exploiteuse et l’établissement de notre propre pouvoir !
Alors seulement, nous pourrons considérer le pays dans lequel nous vivons comme le « nôtre », c’est-à-dire celui de tous les travailleurs quelle que soit leur origine. Et nul doute que celui-ci aura à cœur de s’adresser aux exploités des autres pays pour renverser le capitalisme à l’échelle du monde !
Nathalie Arthaud
Le 18 mars 2024
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