Malgré tout ce que peuvent prétendre les souverainistes partisans d’un repli national, les échanges ont créé une telle interdépendance entre les économies du monde entier que la moindre interruption des liaisons peut rapidement paralyser l’activité de nombreuses entreprises. À cela s’ajoute la course au profit qui amène une grande partie des usines à fonctionner en flux tendu et à cesser leur production au moindre retard.
Mais la façon dont les chauffeurs ont été traités est aussi révélatrice du fonctionnement de l’économie capitaliste. Des deux côtés de la Manche, ceux qui dirigent, au gouvernement comme à la tête des entreprises, se sont inquiétés d’assurer la circulation des marchandises, mais absolument pas des travailleurs qui les transportent. En effet, si des lieux de stockage avaient été aménagés pour les camions, rien n’était prévu par contre pour ceux qui les conduisent ! « On a été parqués comme des bêtes », racontaient certains en exprimant leur colère, « même pas de douche, ils ont juste mis des cabines de toilettes ; on a eu des bouteilles d’eau, mais rien à manger… »
Il n’y a pas que le virus qui fait se refermer les frontières. C’est aussi le cas du Brexit qui doit intervenir le 1er janvier. Après avoir officiellement quitté l'Union européenne, la Grande-Bretagne doit abandonner définitivement le marché unique et l'union douanière. Après des mois de négociations, l’accord finalement conclu le 24 décembre garantit aux capitalistes que le Brexit n’entraînera pas l’instauration de taxes et de droits de douane supplémentaires pour les marchandises. Pour eux, l’essentiel est sauf : les affaires et les profits pourront continuer !
Depuis des années, en Grande-Bretagne, une partie des politiciens se servent du rejet des institutions européennes comme d’un tremplin pour tenter d’accéder au pouvoir. Leur surenchère a conduit à l’organisation du référendum de juin 2016 qui a vu les partisans de la sortie de l’Union européenne l’emporter. Boris Johnson lui-même ne s’était converti à la démagogie antieuropéenne que pour damer le pion à ses concurrents et devenir Premier ministre. Mais contrairement aux promesses mensongères qu’il avait faites, il n’y aura pas moins de licenciements, moins de chômage et moins de pauvreté en Grande-Bretagne grâce au Brexit. Au contraire même, car le patronat britannique voudra faire payer aux travailleurs et aux consommateurs tous les frais supplémentaires, ne serait-ce que ceux occasionnés, par exemple, par le rétablissement de nombreuses formalités administratives. Il n’y aura pas non plus davantage d’argent pour le système de santé, les hôpitaux ou le logement, car le gouvernement se préoccupera avant tout, comme ses prédécesseurs, d’assurer les profits de la classe capitaliste. Par contre, les barrières et les entraves seront plus nombreuses pour les travailleurs immigrés, y compris ceux venant de l’Union européenne, qui rencontreront plus de difficultés pour circuler, se soigner ou obtenir un salaire correct.
En Grande-Bretagne comme en France, la démagogie nationaliste ne sert qu’à détourner la colère sociale des véritables responsables et à distiller dans la classe ouvrière le poison de la division. Dans cette organisation sociale fondée sur la concurrence et la recherche du profit par une minorité de privilégiés, les États nationaux et les frontières qu’ils dressent entre les peuples ne servent qu’à protéger les intérêts des possédants.
Pour défendre leurs intérêts immédiats, et plus encore pour mettre fin à ce système aussi injuste qu’irrationnel, les travailleurs auront besoin de s’unir et d’opposer aux divisions nationales ou religieuses les idées de la lutte de classe et de l’internationalisme. C’est à cette condition qu’ils pourront constituer une force capable d’enlever à la bourgeoisie la direction de la société et d’apporter ainsi une issue à une crise qui est celle du système capitaliste lui-même.
Le 28 décembre 2020
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