Les dirigeants européens accusent le dictateur biélorusse d’avoir favorisé l’arrivée de migrants à la frontière pour déstabiliser l’Europe. Et ils s’indignent de ce qu’il aurait « instrumentalisé et manipulé les migrants ». C’est vrai, mais que font-ils d’autre, eux, si ce n’est de les laisser souffrir et mourir ?
Quand ils ne laissent pas les migrants mourir aux portes de l’Union européenne, ils s’arrangent pour qu’ils restent enfermés dans les mouroirs que sont les camps au Liban, en Libye ou en Turquie, ou qu’ils restent prisonniers de leur pays d’origine, comme l’Afghanistan ravagé par la guerre où la famine pousse des familles à vendre leurs enfants.
Oui, la palme du cynisme revient aux dirigeants européens, car les candidats à l’immigration ne demandent qu’à arriver par des voies sécurisées et légales pour demander l’asile. Au lieu de cela, ils se retrouvent sous la dépendance de passeurs sans scrupules et traqués comme des criminels.
Et nul besoin d’aller en Pologne pour constater que les dirigeants européens se moquent du sort des migrants, il suffit d’aller à Calais ou à Grande-Synthe où des milliers d’entre eux tentent de rallier l’Angleterre et subissent une traque incessante !
Parmi les millions de Syriens, d’Irakiens et d’Afghans qui sont chassés de chez eux par les guerres, les destructions et la misère, seule une petite fraction tente de rejoindre l’Europe développée. Mais cela suffit aux démagogues xénophobes, comme Zemmour, Le Pen et tant d’autres, pour parler « d’invasion ». Dans cette crise, les migrants sont assimilés à des « armes projetées contre l’Europe », mots qui permettent tous les délires, dont celui de les présenter comme de futurs délinquants ou de futurs terroristes !
Mais ces femmes et ces hommes sont ouvriers, secrétaires, techniciens, ingénieurs ou médecins. Et demain, certains parmi eux travailleront dans l’hôtellerie, la restauration, le bâtiment, ils seront routiers, auxiliaires de vie, intérimaires dans l’agroalimentaire ou l’industrie. D’autres aideront à faire tourner les hôpitaux ou les écoles. Parmi leurs enfants, il y a peut-être de futurs footballeurs ou des champions d’échecs, à l’image de cette jeune Syrienne de 14 ans, Leen Yaghi, sans papiers, qui a remporté le championnat de France. À côté de ceux qui prendront la lumière, il y aura tous ceux qui travailleront avec nous. Ces femmes et ces hommes sont des nôtres. Il faut qu’ils sachent qu’ils sont bienvenus dans le camp des travailleurs.
Il y a déjà eu trop de morts, trop de naufrages et de drames. Il faut la liberté de circulation et d'installation pour les migrants. Il faut l'ouverture des frontières. Pour les riches étrangers, fussent-ils des requins de la finance, les portes sont grand ouvertes ; pour des travailleurs qui ne demandent qu’à être utiles à la société, elles sont fermées.
Certains parmi les travailleurs sont inquiets parce qu’il y a déjà beaucoup de chômeurs. Mais le chômage, la précarité et les bas salaires ne dépendent pas des migrants. Ils dépendent du rapport de force avec le patronat et des luttes que le monde du travail est capable de mener contre les licencieurs et tous ces groupes capitalistes rapaces.
La bourgeoisie et ses politiciens opposent les salariés du privé aux fonctionnaires, les intérimaires aux CDI et les Français aux immigrés, pour dominer et s’enrichir sur le dos de tous. Face à eux, les travailleurs doivent faire bloc pour se défendre.
L’Europe est devenue une forteresse. La crise et les politiques anti-ouvrières menées par tous les gouvernements, de gauche ou de droite, y ont fait prospérer les partis souverainistes anti-immigrés.
L’extrême droite, championne du repli sur soi, pousse les politiciens dans un sens de plus en plus réactionnaire et même raciste, comme le montre la surenchère des mesures anti-immigrés, à laquelle participent les candidats à la présidentielle, de droite et même de gauche.
Si nous n’y prenons garde, la barbarie du monde, la xénophobie et les guerres nous emporteront. Le nationalisme, la méfiance généralisée nous ont déjà rattrapés. Les travailleurs conscients doivent prendre le contrepied de cette évolution délétère.
Le capitalisme brasse les travailleurs du monde entier. Nous pouvons en faire une force à condition d’être conscients d’appartenir à un même camp, le camp des travailleurs, dont l’intérêt est de révolutionner la société de fond en comble.
Nathalie Arthaud
Le 15 novembre 2021
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